Pas évident le thème de l'année...
Mais c'est une richesse et un courage qu'a le MCR d'aborder ces thèmes qui sont essentiels, même lorsque le sujet peut déranger certaines opinions ou slogans.
Alors les équipes de la paroisse se sont réunies ce lundi 27 novembre après midi pour un temps de réflexion un peu plus long, histoire d'être au diapason. Un temps ouvert aux autres frères et soeurs .
C'est Ginette et Bernadette qui nous accueillent avec la phrase de Martin Luther King: "apprenons à vivre ensemble comme des frères si nous ne voulons pas mourir comme des idiots".
Puis c'est un petit topo à partir de la Bible, l'Ancien Testament:
* le frère, c'est un terme qui est le plus souvent utilisé dans les généalogies ou pour qualifier quelqu'un: le frère situe la personne dans une histoire et dans un espace-temps... D'où : "dis moi de qui tu es ou te fais le frère ou la soeur, je te dirai qui tu es..."
* on a un exemple de fraternité : Caïn et Abel deux frères que tout sépare; agriculteur et éleveur, l'un qui n'existe que par rapport à l'autre (son frère Abel); l'un dont le nom signifie "acquisition, avoir", l'autre dont le nom veut dire "buée, fumée"; les midrashs juifs indiquent que l'un peut indiquer le monde terrestre, l'autre le monde de l'ailleurs. Caïn semble ne pas être entendu de Dieu et pourtant Dieu lui parle! Et c'est Caïn qui va parler à Abel: que se disent-ils pour en arriver aux mains ? On connait la suite: "Suis-je la gardien de mon frère?", phrase qui doit être au coeur de notre existence...Les commentateurs juifs expliquent cette histoire : le frère est celui a qui je permet d'occuper l'espace et la possession que moi-même j'occupe..
* l'exemple de Jacob et d'Esaü, la aussi une drôle de fraternité... avec de superbes phrases d'Esaü, une fois qu'il s'est remis de sa colère...
* une autre fraternité compliquée mais qui se termine bien : Joseph et ses frères...
Petits groupes de partage: qu'est ce qui facilite le "vivre en frères" ? qu'est qui l'empêche dans la vie de tous les jours ?
les groupes échangent et parlent de jalousie, etc... mais aussi de la chance d'être en frères...
Puis c'est l'exemple de Jésus, le frère par excellence...
Et ses façons de réunir: quand la jalousie risque de l'emporter dans le groupe des disciples (Mc 10: Jean et jacques qui veulent être les chouchous de Jésus), Jésus réunit le groupe et rappelle que la préférence existe, mais pas une préférence de l'un vis à vis de l'autre, une préférence de chacun vis à vis de sa propre existence; Dieu nous dit "je te préfère à ce que je suis!". "Le fils de l'homme est venu pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude". Une préférence qui rejoint chaque personne.
C'est le travail de Mt 18, la vie fraternelle.
Ce sont aussi les paroles de Jésus "Mes frères, mes soeurs, ce sont ceux qui écoutent mes paroles et les mettent en pratique"
Et Saint paul : "en Jésus, il n'y a plus de juif ou paien...", chacun est frère!
Un survol rapide avec un arrêt aux traditons monacales, on arrive à un beau texte de Dietrich Bonhoffer...
Contrairement à ce qu’on pourrait penser au premier abord, il ne va pas de soi, pour un chrétien , qu’il puisse vivre parmi d’autres chrétiens. Jésus-Christ, lui-même a vécu au milieu de ses ennemis. Finalement tous ses disciples l’ont abandonné. Sur la croix, il s’est retrouvé seul, entouré de malfaiteurs et de moqueurs…De même le cadre de la vie du chrétien n’est pas la solitude d’un cloître, mais le camp même des ennemis. C’est là qu’il a sa tâche, son travail.
C’est la volonté de Dieu que la chrétienté soit un peuple dispersé, disséminé comme une semence jetée « parmi tous les royaumes de la terre »...Le peuple de Dieu doit vivre au loin, parmi les incroyants, mais il sera par là même la semence du Royaume jetée dans le monde entier... « Je les rassemblerai »... Cela est arrivé en Jésus-Christ qui est mort pour réunir en un seul corps les enfants de Dieu dispersés (Jn11.52), et cela deviendra visible à la fin des temps.. Mais jusque là, le peuple de Dieu demeure dans la dispersion ; c’est Jésus Christ seul qui l’empêche de se disloquer, et ce qui fait son unité, c’est que disséminé au loin parmi les incroyants, il se souvient de son Seigneur.
Si donc... des chrétiens peuvent vivre avec d’autres chrétiens dans une communauté déjà visible, ce n’est en fait que par une sorte d’anticipation miséricordieuse du Royaume à venir. C’est Dieu qui, dans sa grâce, permet l’existence dans le monde d’une telle communauté réunie de la parole de Dieu et du sacrement. Les prisonniers, les malades, les isolés de la dispersion, les prédicateurs missionnaires sont seuls. Ils savent, eux, que l’existence d’une communauté visible est une grâce.
Communauté chrétienne signifie : communauté en Jésus-Christ et par Jésus-Christ. Elle ne saurait être ni plus ni moins que cela. C’est vrai pour toutes les formes de communauté qui peuvent rassembler des croyants, de celle qui naît d’une simple et brêve rencontre, jusqu’à celle qui résulte d’une longue communion de tous les jours. Si nous pouvons être des frères, c’est uniquement par Jésus-Christ et en Jésus-Christ.
C’est par Jésus-Christ seul que nous sommes frères les uns des autres. Je suis le frère de mon prochain à cause de ce que Jésus-Christ a fait pour moi ; mon prochain est mon frère à cause de ce que Jésus-Christ a fait pour lui. Mon frère, dans l’Eglise, ce n’est pas tel brave homme pieux assoiffé de fraternité, mais bien l’homme que Jésus-Christ a sauvé, libéré de son péché et appelé, comme moi, à croire cette bonne nouvelle et à vivre éternellement. Ce qui est décisif, ce n’est pas ce que nous pouvons être en nous mêmes, avec toute notre vie intérieure et toute notre piété, mais ce que nous sommes avec la puissance du Christ.
Pour que Dieu puisse nous faire connaître la communauté du Christ authentique, il faut que nous soyons déçus, déçus par les autres, déçus par nous-mêmes. Dieu n’est pas un Dieu d’émotions sentimentales, mais un Dieu de vérité… Celui qui préfère son rêve d’Eglise à la réalité devient un saboteur de la communauté, même si ses intentions étaient, selon lui, sincères et honorables.
Lorsque la vie de la communauté est gravement menacée par le péché, l’absence, l’incompréhension, un frère demeure un frère, même coupable.. Je reste avec lui placé sous la Parole du Christ, et sa faute peut être chaque fois une nouvelle occasion de remercier Dieu, qui nous permet de vivre sous sa grâce. Cette déception nous fait comprendre que nous ne pouvons absolument pas compter, pour vivre ensemble, sur nos propres paroles, sur nos propres actions, mais uniquement sur la Parole et sur l’Action qui nous lient les uns aux autres, à savoir le pardon de nos péchés par Jésus-Christ…
Entre moi et mon prochain, il y a le Christ. C’est la raison pour laquelle il ne m’est pas permis de désirer une autre forme de communauté directe avec mon prochain. Le Christ seul peut l’aider, comme seul il a pu m’aider moi-même. Cela signifie que je dois renoncer à mes tentatives passionnées de décider, de forcer ou de dominer mon prochain. Mon prochain entend être aimé tel qu’il est, indépendamment de moi… L’amour psychique se fabrique une image préconçue du prochain, de ce qu’il est et ce qu’il doit être ; il veut manipuler sa vie. L’amour spirituel part de Jésus-Christ pour connaître la vraie image de l’homme : c’est l’image que Jésus-Christ a marquée et veut marquer de son empreinte.
Des panneaux sont là pour nous aider à comprendre que la fraternité se joue à plein de niveau: la réconciliation nous fait nous retourner et changer nos préjugés et a cette faculté d'éteindre les conflits.
L'après midi se termine avec l'eucharistie et la prière du Notre Père... et dans l'engagement à devenir davantage oût de communion, sacrément bien goût de vie...
Les petits gâteaux et café aident à se séparer en douceur ...
Un bon après midi; chacun est reparti avec dans le coeur "comme il est doux, comme il est bon de vivre en frères et d'être unis..." Ps 133